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mardi 22 octobre 2013

Le dernier bilan du challenge breton




DERNIER BILAN

Le challenge breton s'arrête! Après un an et des poussières, il est temps de faire le dernier bilan et de voir les livres que nous avons lus ensemble. Si j'ai oublié des titres, n'hésitez pas à me le faire savoir. Je me rends compte que j'ai été mal informée de vos liens à cause d'une défaillance de mon blog et je n'ai pas toujours été avertie de vos publications.
D'autre part, j'ai supprimé les noms de ceux qui, inscrits, n'ont pas pu participer mais en cas d'erreur, tirez-moi les oreilles (pas trop, pourtant!)

A découvrir aussi des photos sur l'art, les paysages bretons, les villes et des rencontres entre blogueurs

Elora : les enclos paroissiaux


Wens : Les enclos paroissiaux
            Rencontres à Dinan : il n'y a plus de saison..
            Rencontres à Douarnenez : autour d'un kouign-Amann

Claudia Lucia : Becherel la cité du livre en Bretagne
                          Dinan (rencontre entre blogueurs)
                          Douarnenez : (Rencontres entre blogueurs)
                          Perros Guirec et la côte de granit rose

Nathalie : Humeur du samedi-manche : on va se promener

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 LECTURES COMMUNES sur le challenge breton

Il y a eu deux lectures communes sur le thème de la ville imaginaire avec la légende de la ville d'Ys.  Aymeline, Miriam et claudialucia y avons participé  :  La légende d'Ys de Charles Guyot et  Ys, le monde englouti de Gabriel Jan

et

Une autre LC sur Ernest Renan : souvenirs d'enfance et de jeunesse : Nathalie et claudialucia

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A propos de la littérature bretonne :

George Sand disait en parlant des écrivains bretons : Génie épique, dramatique, amoureux, guerrier, tendre, triste, sombre, naïf, tout est là! En vérité aucun de ceux qui tiennent une plume ne devrait  rencontrer un breton sans lui ôter son chapeau."

et Michel Lebris écrit : " Que serait un voyage sans le livre qui l'avive et en prolonge la trace - sans le bruissement de tous ces livres que nous lûmes avant de prendre la route? Samarcande, Trébizonde, tant de mots, dès l'enfance, qui nous furent comme des portes, tant de récits, tant de légendes !


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Aifelle

 L'île des beaux lendemains de Caroline Varmalle







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Aymeline

La légende d'Ys de Charles Guyot

Ys, le monde englouti de Gabriel Jan



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Clara

Fabienne Juhel : les oubliés de la lande

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Claudialucia


  1. Remorques, Roger Vercel (Brest)
  2. Les noces noires de Guernaham, Anatole le Braz
  3. Le sang de la sirène, Anatole le Braz (Ouessant)
  4. La fée des grèves, ( 1) , Paul Féval (Bretagne et Normandie : autour du Mont Saint Michel)
  5. La fée des grèves Paul Féval ( 2) (Bretagne et Normandie : autour du Mont Saint Michel)
  6. Le gardien du feu Anatole Le Braz 
  7. La tour d'amour de Rachilde 
  8. Ys, le monde englouti de Gabriel Jan  
  9. La légende de la ville d'Ys de Charles Guyot
  10. Marcof le Malouin  de Ernest Capendu 
  11. Sophie de Tréguier de Henri Pollès 
  12. Le gardien du feu de Anatole LeBraz 
  13. Becherel la cité du livre en Bretagne
  14. Dinan (rencontre entre blogueurs)
  15. Ernest Renan : la vérité sera un jour la force
  16. Perros Guirec et la côte de granit rose
  17. René Guy Cadou : L'enfant précoce (poème)
  18. Félicité Lamennais : le plus puissant de tous les leviers...(citation)
  19. Bretagne les enclos paroissiaux(2)
  20. Bretagne les enclos paroissiaux (1)
  21. Jean-Pierre Boullic : Iroise (poème)
  22. Douarnenez : Rencontres entre blogueurs
  23. Eugène Guillevic : Je connais l'étrange variété du noir (poème)
  24. Anatole Le Braz : Chanson pour la Bretagne :( poème)
  25. Ernest Renan : souvenirs d'enfance et de jeunesse
  26. François René de Chateaubriand : Sur les traces de Chateaubriand de Saint Malo à Combourg

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Elora

Présentation du challenge
Les enclos paroissiaux

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Eeguab






Le Tempestaire de  Jean Epstein  : Alors la mer se calma

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Lystig

La trilogie de L'auberge du bout du monde





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Mazelannie

1. Le championnat d'insultes en breton






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Mireille chez Claudialucia

Jean-Marie Deguignet : Mémoires






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Miriam






1. La fée des grèves Paul Féval
2. Le gardien du feu Anatole Le Braz 
3 Ys, le monde englouti de Gabriel Jan
4. La légende de la ville d'Ys de Charles Guyot 
5. Les demoiselles de Concarneau de Simenon 

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Nathalie
Humeur du samedi-manche : on va se promener

Les chouans de Honoré de Balzac

Ernest Renan : Souvenirs d'enfance et de jeunesse

Gustave Flaubert et Marcel Du Camp, Nous allions à l’aventure, par les champs et par les grèves


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Oncle Paul








  1. Les Loups de la Terreur, Béatrice Nicodème (Brocéliande)
  2.  Le Réveil des Menhirs, Gabriel Jan
  3. Ys, le Monde englouti, Gabriel Jan  (Douarnenez?)
  4. Les Filles de Roz-Kelenn, Hervé Jaouen
  5.  Ceux de Ker-Askol, Hervé Jaouen 
  6.  Flora des Embruns Hervé Jaouen
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Wens

1. Remorques de Grémillon d'après Vercel (Brest)
 2. Les enclos paroissiaux (Cornouailles et Léon)
 3. Le chien jaune de Simenon (Concarneau)
 4. Nuits assassines à Paimpol de Michèle Corfdir (Paimpol)

lundi 8 avril 2013

Ernest Renan : Souvenirs d'enfance et de jeunesse



Quand j'ai lu Souvenirs d'Enfance et de jeunesse d'Ernest Renan (1823-1892), je me suis attendue à des mémoires sur l'enfance, à la manière de Chateaubriand dans les premiers tomes des Mémoires d'Outre-Tombe, des souvenirs pleins de vie, de légèreté,  d'humour et permettant  de recréer  et de faire vivre une période historique, une époque, une région, un milieu social, une mentalité. C'est bien le cas pour ces dernières caractéristiques sauf pour l'humour et la légèreté. Renan, à l'exception de quelques passages où il évoque son amie d'enfance, la petite Noémi, les histoires racontées par sa vieille mère comme celle de la fille du broyeur de lin, du Bonhomme Système, personnages pittoresques de la ville de Tréguier au XIX siècle… Renan, disais-je, est assez austère.
Il se lie difficilement avec autrui et  son amitié est peu démonstrative. Dès sa jeunesse, il se destine à être prêtre, étudie avec les curés de sa ville natale, Tréguier, puis est pris au séminaire de Saint Nicolas du Chardonnet et enfin à celui  de Saint-Sulpice. Ses études occupent une grande place dans une vie entièrement consacrée à l'esprit, l'intelligence et Dieu jusqu'au moment où il va perdre la foi non pas en Dieu mais dans le fondement de l'Eglise et la vérité des croyances chrétiennes. C'est parce qu'il a fait l'analyse et l'exégèse des textes saints originaux et en a découvert les contre-vérités et les faiblesses qu'il a  renoncé à la prêtrise.
J'essayerai de montrer comment l'étude directe du Christianisme, entreprise dans l'esprit le plus sérieux, ne me laissa plus assez de foi pour être un prêtre sincère, et m'inspire, d'un autre côté, trop de respect pour que je pusse me résigner à jouer avec les croyances les plus respectables, une odieuse comédie.

L'homme ne m'est pas entièrement sympathique (un peu trop "empesé" ) et présente bien des contrastes, bien des dualités, parfois conservateur mais ouvert sur l'avenir, idéaliste par goût, réaliste par pessimisme, cérébral mais enthousiaste sur le progrès et les sciences, froid mais parlant de ses maîtres avec sympathie.. Il est aussi intelligent, rationnel, érudit, juste dans son appréciation des autres, modéré dans ses assertions qui se fondent toujours sur la raison et des études savantes et approfondies.  On sent une intelligence hors du commun et en cela il impressionne.  Et puis il y a le style, beau et  généralement maîtrisé car il tient la bride à ses  sentiments, se laissant rarement aller au lyrisme et encore moins à l'emphase romantique que l'on retrouve chez certains écrivains romantiques.

Tout me prédestinait donc bien réellement au romantisme non de la forme (je compris assez vite que le romantisme de la forme est une erreur, que, s'il y a deux manières de sentir et de penser, il n'y a qu'une seule forme pour exprimer ce que qu'on pense et ce qu'on sent), mais au romantisme de l'âme et de l'imagination.

Bien que j'aie trouvé certains passages longs et ennuyeux, je me suis accrochée à ma lecture et j'ai aimé des passages descriptifs et certaines réflexions et pensées philosophiques ou politiques. En voici quelques unes :

La Bretagne : Son amour pour son pays d'origine, la Bretagne et sa ville natale Tréguier, s'exprime dans de belles pages pleines de sensibilité qui ouvrent la porte à l'imagination.  Il nous explique l'Histoire de Bretagne, analyse le caractère breton et  les croyances celtes, parle des saints bretons et de leurs particularités fantaisistes, parfois cocasses.

Une des légendes les plus répandues en Bretagne est celle d'une prétendue ville d'Is, qui, à une époque inconnue, aurait été engloutie par la mer. On montre, à divers endroits de la côte, l'emplacement de cette cité fabuleuse, et les pêcheurs vous en font d'étranges récits. Les jours de tempête, assurent-ils, on voit, dans le creux des vagues, le sommet des flèches de ses églises ; les jours de calme, on entend monter de l'abîme le son de ses cloches, modulant l'hymne du jour. Il me semble souvent que j'ai au fond du coeur une ville d'Is qui sonne encore des cloches obstinées à convoquer aux offices sacrés des fidèles qui n'entendent plus. Parfois je m'arrête pour prêter  l'oreille à ces tremblantes vibrations qui me paraissent venir de profondeurs infinies, comme des voix d'un autre monde. Aux approches de la vieillesse surtout, j'ai pris plaisir, pendant le repos de l'été, à recueillir ces bruits lointains d'une Atlantide disparue.

Dès lors j'étais aimé des fées, et je les aimais. Ne riez pas de nous autres, Celtes. Nous ne ferons pas le Parthénon, le marbre nous manque; mais nous savons prendre à poignée le coeur et l'âme; nous avons des coups de stylet qui n'appartiennent qu'à nous; nous plongeons les mains dans les entrailles de l'homme, et, comme les sorcières de Macbeth, nous les en retirons pleines de secrets infinis. Cette race a au coeur une éternelle source de folie. Le "royaume de la féerie", le plus beau qui soit en terre, est son domaine.


La liberté :

Le but du monde est le développement de l'esprit, et la première condition du développement de l'esprit c'est la liberté. Le plus mauvais état social, c'est l'état théocratique, comme l'islamisme et l'ancien Etat pontifical, où le dogme règne directement d'une manière absolue. Les pays à religion d'Etat comme l'Espagne ne valent pas beaucoup mieux. Les pays reconnaissant une religion de la majorité ont aussi de graves inconvénients. Au nom des croyances réelles ou prétendues du grand nombre, l'Etat se croit obligé d'imposer à la pensée des exigences qu'elle ne peut accepter. La croyance ou l'opinion des uns ne saurait être une chaîne pour les autres.

La foi en l'avenir
J'aime le passé, mais je porte envie à l'avenir. Il y aura eu de l'avantage à passer sur cette planète le plus tard possible. Descartes serait transporté de joie s'il pouvait lire quelque chétif traité de physique et de cosmographie écrit de nos jours. Le plus simple écolier sait maintenant des vérités pour lesquelles Archimède eût sacrifié sa vie. Que ne donnerions-nous pas pour qu'il fût possible de jeter un coup d'exil furtif sut tel livre qui servira aux écoles primaires dans cent ans?

Il ne faut pas pour nos goût personnels, peut-être pour nos préjugés, nous mettre en travers de ce que fait notre temps. Il le fait sans nous, et probablement il a raison.

L'éducation

L'essentiel, en effet, ce n'est pas la doctrine enseignée, c'est l'éveil.

La religion

Et qui reste juge en dernier lieu des titres de la foi, si ce n'est la raison?

La mort 

 Je serais désolé de traverser une de ces périodes d’affaiblissement ou l’homme qui a eu de la force et de la vertu n’est plus que l’ombre ou la ruine de lui-même et souvent à la grande joie des sots, s’occupe à détruire la vie qu’il avait laborieusement édifié. Une telle vieillesse est le pire don que les dieux puissent faire à l’homme. Si un tel sort m’était réservé, je proteste d’avance contre les faiblesses qu’un cerveau ramolli pourrait me faire dire ou signer. C’est Renan sain d’esprit et de cœur comme je le suis aujourd’hui, ce n’est pas Renan à moitié détruit par la mort et n’étant plus lui-même, comme je le serai si je me décompose lentement, que je veux qu’on croie et qu’on écoute.

Lecture commune avec Nathalie de Mark et Marcel ICI




mardi 5 février 2013

Lecture commune sur le challenge breton : Titre du livre retenu





J'ai proposé lors du premier bilan du challenge breton une lecture commune sur le thème : A la découverte d'un classique sur la Bretagne

C'est Ernest Renan : souvenirs d'enfance et de jeunesse  (gratuit sur kindle) (poche = 5 €) qui a été retenu.

Nathalie et Dominique se  sont inscrites. Vous pouvez encore nous rejoindre.


Je propose une date qui nous laisse un peu de temps : publication dans la semaine du 18 mars au 24  Mars. Qu'en pensez-vous?

lundi 28 janvier 2013

Jean-Marie Déguignet : Mémoires d'un paysan Bas-Breton Billet de Mireille chez Claudialucia



Voici un billet de Mireille que vous connaissez tous. Elle n'a pas de blog mais elle vient nous rendre très sympathiquement visite dans les nôtres. Bretonne, elle vit à Ergué-Gabéric et c'est pourquoi elle avait promis d'écrire un billet sur son illustre compatriote Jean-Marie Déguignet dans le cadre du challenge breton. Voilà ce qu'elle m'écrivait alors C'est une association de la ville d'Ergué-Gabéric qui a eu en sa possession les manuscrits  du paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet et les a fait éditer ainsi que d'autres oeuvres du même auteur. Bref, conclut Mireille, Déguignet est la gloire d'Ergué et son livre_la version courte_ a été traduit en américain.

                      
                             Jean-Marie  Déguignet                                       



C’est grâce à l’association ARKAE,  association gabéricoise de recherches historiques du patrimoine que ces Mémoires ont pu être éditées. Les recherches ont débuté en 1979 et, après des « appels à témoins », un trésor , les manuscrits sont trouvés dans le grenier d’une H.L.M. de Quimper : Quarante trois cahiers, soit quatre mille pages.
Dans un premier temps, Arkaë n’a pas publié l’intégrale de « Histoire de ma vie » à cause des trop nombreuses digressions et diatribes contre les nobles et les curés, les politiciens et Anatole Le Braz.

  Jean-François Déguignet est né le 29 juillet 1834 alors que son père, petit fermier pauvre, venait d’être complètement ruiné par plusieurs mauvaises récoltes successives suivies de la mortalité des bestiaux . C’est la misère, les taudis, la mendicité.
Il fait état d’un accident, grave, le troisième déjà, dont il fut guéri au bout de trois semaines. « quatre jours et nuits dans un état qui n’était ni la mort, ni la vie, du moins en ce qui concerne mon corps ».    De cet accident, il conserva « une large cicatrice en forme d’entonnoir » dans la tempe gauche.  Il est persuadé que cette blessure contribua à faire développer ses facultés mentales d’une façon extraordinaire.
Doté également d’une excellente mémoire, il apprend le catéchisme à neuf ans. 
 Cela ne fut pas difficile, puisque maintenant, tout ce que j’entendais ou que je voyais me restait gravé aussitôt dans ma mémoire.
Sa mère savait lire le breton et n’eut pas de mal à lui apprendre ce qu’elle savait.
Le jeune Jean-François mendiait dans les environs de son habitation et un jour, à neuf ans, une mendiante professionnelle se chargea de lui apprendre le métier. La vieille me faisait entendre que j’allais commencer le plus digne et le plus noble état du monde puisque Dieu l’avait pratiqué lui-même et qu’il fut pratiqué également par nos plus grands saints. 
Ils étaient bien reçus. Ces aumônes avaient toujours un but intéressé et égoïste, elles n’étaient jamais données au nom de l’humanité, chose inconnue des bretons, mais seulement au nom de Dieu .

En 1844, c’est la maladie de la bonne pomme –de –terre rouge et de nouveau la misère. Il a quatorze ans, il est petit et chétif et sa plaie due à son accident continue de couler. Il est soigné à l’hospice de Quimper où il entend raconter des légendes. La fracture du crâne ne s’est jamais bien soudée.
A dix-sept ans, il rencontre un professeur d’agriculture qui possède une ferme modèle où il reçoit ses élèves. Il est engagé comme vacher, travail très contraignant de chaque instant, de nuit comme de jour. Mais, grâce à des papiers que les élèves laissent tomber, il apprend seul à déchiffrer quelques mots de français. A écrire aussi, mais la main sera moins habile que le cerveau.
Il a ensuite la chance d’entrer comme domestique chez le maire de Kerfunteun où il peut perfectionner sa lecture du français à l’aide des journaux qui traînent et d’un dictionnaire. C’est une bonne période, oui, mais il s’engage dans l’armée, non pas pour faire la guerre, mais pour voir du pays. Il gagne Lorient à pied en trois jours.
Il sera soldat de 1853 à 1868 et participera à la guerre de Crimée, aux campagnes d’ Italie, de Kabylie et du Mexique.
Il connaîtra les maladies : scorbut, dysenterie, typhus, mais aussi le bonheur de côtoyer un voisin de chambre érudit qui lui apprendra beaucoup de choses. Il ira au pèlerinage de Jérusalem et y détestera les ordres religieux qui profitent honteusement de la foi et de la naïveté des pèlerins.
Avant de rejoindre l’Italie, il apprend rapidement l’italien et constate que c’est plus facile que le français pour lui qui savait lire le latin de messe.
 … la prononciation est également très facile tous les mots se prononçant du bout de la langue et des lèvres , contrairement aux  langues saxonnes qui se prononcent du gosier, ce qui prouve que ces langues ont été communiquées aux hommes par des fauves, tandis que les latines leur ont
été par des oiseaux .
En Kabylie, il aime l’arabe : L’accent arabe est le même que l’accent breton et tous les mots de cette langue ont les mêmes terminaisons que les mots bretons .
Il rentre en Bretagne en 1868 où il  redevient cultivateur jusqu’en 1882

Je passe sur les difficultés, le travail intense, le mariage, la relative aisance puis l’incendie (criminel ?)de sa ferme, la fin de son bail alors qu’il a travaillé quinze ans pour le seigneur propriétaire.
  Un très grave accident « sa charrette lui roule sur le corps, »le laisse pour mort une nouvelle fois. Il reste immobilisé plusieurs mois, guérit de ses blessures et, estropié, ne peut plus effectuer de travaux de force. Il réussit à se faire engager en tant que placeur de contrats d’assurances et donne satisfaction. En revanche, sa femme s’adonne à la boisson, sombre dans l’alcoolisme et meurt à l’hospice, laissant quatre enfants. Le dernier n’a que six ans.
Après avoir tenu avec succès un bureau de tabac à Pluguffan, il s’en trouve chassé par les manigances du curé et des bigots. Qui n’est pas pratiquant et affiche son mépris pour les gens d’église est vite mis à l’écart! L’emprise des curés est telle que Jean-Marie ne s’est peut-être pas considéré à tort comme persécuté.
Dès lors, sans travail, il retourne à Quimper, vit dans un grenier avec ses enfants puis, lorsque ceux-ci le quittent, il écrit l’histoire de sa vie « à la bonne franquette, sans prétention littéraire, en y intercalant ça et là mes réflexions et mes opinions politiques et religieuses, mes pensées morales, sociales, économiques et philosophiques.
Il finit en ville dans un autre grenier,  un trou de 6m cubes de capacité dont il est expulsé au bout de dix ans après avoir souffert de l’extrême chaleur et du froid intense. Il sera hospitalisé pendant quatre mois et décèdera en 1905, face à l’hospice .
Une vie commencée et achevée dans la misère mais qui fut remplie d’évènements et de péripéties.

Cet ouvrage est un témoignage unique sur la fin du XIX è siècle



Merci à Mireille pour ce billet  qui nous fait connaître un auteur sorti du peuple, contrairement à la plupart des écrivains du XIX siècle, un homme qui a été mendiant, paysan, domestique, commerçant, soldat et nous donne donc un point de vue tout à fait inédit sur  son époque.

mercredi 16 janvier 2013

Sur les traces de Chateaubriand de Saint Malo à Combourg, Les mémoires d'Outre-tombe


Je ne pouvais pas aller à Saint Malo sans chercher la maison où est né François-René de Chateaubriand le 4 Septembre 1768. A vrai dire, il n'est pas trop difficile de la trouver!

Saint Malo



La maison qu'habitaient alors mes parents est située dans une rue sombre et étroite de Saint−Malo, appelée la rue des Juifs : cette maison est aujourd'hui transformée en auberge. La chambre où ma mère accoucha domine une partie déserte des murs de la ville, et à travers les fenêtres de cette chambre on aperçoit une mer qui s'étend à perte de vue, en se brisant sur des écueils. J'eus pour parrain, comme on le voit dans mon extrait de baptême, mon frère, et pour marraine la comtesse de Plouër, fille du maréchal de Contades. J'étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l'équinoxe d'automne, empêchait d'entendre mes cris : on m'a souvent conté ces détails ; leur tristesse ne s'est jamais effacée de ma mémoire. Il n'y a pas de jour où, rêvant à ce que j'ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m'infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un nom que j'ai presque toujours traîné dans le malheur. Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées. (Livre 1 chapitre Mémoires d'Outre−tombe)


La cour intérieure de la maison telle qu'elle était au XIX ème siècle.

Combourg




En sortant de l'obscurité du bois, nous franchîmes une avant−cour plantée de noyers, attenante au jardin et à la maison du régisseur ; de là nous débouchâmes par une porte bâtie dans une cour de gazon, appelée la Cour Verte. A droite étaient de longues écuries et un bouquet de marronniers ; à gauche, un autre bouquet de marronniers. Au fond de la cour, dont le terrain s'élevait insensiblement, le château se montrait entre deux groupes d'arbres. Sa triste et sévère façade présentait une courtine portant une galerie à mâchicoulis, denticulée et couverte. Cette courtine liait ensemble deux tours inégales en âge, en matériaux, en hauteur et en grosseur, lesquelles tours se terminaient par des créneaux surmontés d'un toit pointu, comme un bonnet posé sur une couronne gothique.
Quelques fenêtres grillées apparaissaient çà et là sur la nudité des murs. Un large perron, raide et droit, de vingt−deux marches, sans rampes, sans garde−fou, remplaçait sur les fossés comblés l'ancien pont−levis ; il atteignait la porte du château, percée au milieu de la courtine. Au−dessus de cette porte on voyait les armes des seigneurs de Combourg, et les taillades à travers lesquelles sortaient jadis les bras et les chaînes du pont−levis.
La voiture s'arrêta au pied du perron ; mon père vint au−devant de nous. La réunion de la famille adoucit si fort son humeur pour le moment, qu'il nous fit la mine la plus gracieuse.
(Livre 1 chapitre 7 Mémoires d'Outre−tombe)




Les distractions du dimanche expiraient avec la journée ; elles n'étaient pas même régulières. Pendant la mauvaise saison, des mois entiers s'écoulaient sans qu'aucune créature humaine frappât à la porte de notre forteresse. Si la tristesse était grande sur les bruyères de Combourg, elle était encore plus grande au château : on éprouvait, en pénétrant sous ses voûtes, la même sensation qu'en entrant à la chartreuse de Grenoble. Lorsque je visitai celle−ci en 1805, je traversai un désert, lequel allait toujours croissant ; je crus qu'il se terminerait au monastère ; mais on me montra, dans les murs mêmes du couvent, les jardins des Chartreux encore plus abandonnés que les bois. Enfin, au centre du monument, je trouvai enveloppé dans les replis de toutes ces solitudes, l'ancien cimetière des cénobites ; sanctuaire d'où le silence éternel, divinité du lieu, étendait sa puissance sur les montagnes et dans les forêts d'alentour.  Le calme morne du château de Combourg était augmenté par l'humeur taciturne et insociable de mon père. Au lieu de resserrer sa famille et ses gens autour de lui, il les avait dispersés à toutes les aires de vent de l'édifice. (livre 3 chapitre 3 Mémoires d'Outre−tombe)





La terre de Combourg n'avait pour tout domaine que des landes, quelques moulins et les deux forêts, Bourgouët et Tanoërn, dans un pays où le bois est presque sans valeur. Mais Combourg était riche en droits féodaux ; ces droits étaient de diverses sortes : les uns déterminaient certaines redevances pour certaines concessions, ou fixaient des usages nés de l'ancien ordre politique ; les autres ne semblaient avoir été dans l'origine que des divertissements.
Mon père avait fait revivre quelques−uns de ces derniers droits, afin de prévenir la prescription. Lorsque toute la famille était réunie, nous prenions part à ces amusements gothiques : les trois principaux étaient le Saut des poissonniers, la Quintaine, et une foire appelée l'Angevine. Des paysans en sabots et en braies, hommes d'une France qui n'est plus, regardaient ces jeux d'une France qui n'était plus. Il y avait prix pour le vainqueur, amende pour le vaincu.
La Quintaine conservait la tradition des tournois : elle avait sans doute quelque rapport avec l'ancien service militaire des fiefs. Elle est très−bien décrite dans du Cange (Voce Quintana). On devait payer les amendes en ancienne monnaie de cuivre, jusqu'à la valeur de deux moutons d'or à la couronne de 25 sols parisis chacun.
La foire appelée l'Angevine se tenait dans la prairie de l'étang, le 4 septembre de chaque année, le jour de ma naissance. Les vassaux étaient obligés de prendre les armes, ils venaient au château lever la bannière du seigneur ; de là ils se rendaient à la foire pour établir l'ordre, et prêter force à la perception d'un péage dû aux comtes de Combourg par chaque tête de bétail, espèce de droit régalien. A cette époque, mon père tenait table ouverte. On ballait pendant trois jours : les maîtres, dans la grand−salle, au raclement d'un violon ; les vassaux, dans la Cour Verte, au nasillement d'une musette. On chantait, on poussait des huzzas on tirait des arquebusades. Ces bruits se mêlaient aux mugissements des troupeaux de la foire ; la foule vaguait dans les jardins et les bois et du moins une fois l'an, on voyait à Combourg quelque chose qui ressemblait à de la joie.
Ainsi, j'ai été placé assez singulièrement dans la vie pour avoir assisté aux courses de la Quintaine et à la proclamation des Droits de l'Homme ; pour avoir vu la milice bourgeoise d'un village de Bretagne et la garde nationale de France, la bannière des seigneurs de Combourg et le drapeau de la Révolution. Je suis comme le dernier témoin des moeurs féodales. (Livre 2 chapitre 2)





Le soir je m'embarquais sur l'étang, conduisant seul mon bateau au milieu des joncs et des larges feuilles flottantes du nénuphar. Là, se réunissaient les hirondelles prêtes à quitter nos climats. Je ne perdais pas un seul de leurs gazouillis : Tavernier enfant était moins attentif au récit d'un voyageur. Elles se jouaient sur l'eau au tomber du soleil, poursuivaient les insectes, s'élançaient ensemble dans les airs, comme pour éprouver leurs ailes, se rabattaient à la surface du lac, puis se venaient suspendre aux roseaux que leur poids courbait à peine, et qu'elles remplissaient de leur ramage confus. La nuit descendait ; les roseaux agitaient leurs champs de quenouilles et de glaives, parmi lesquels la caravane emplumée, poules d'eau, sarcelles, martins−pêcheurs, bécassines, se taisait ; le lac battait ses bords ; les grandes voix de l'automne sortaient des marais et des bois : j'échouais mon bateau au rivage et retournais au château. Dix heures sonnaient. (Livre 3 chapitres 12 et 13)




La vie que nous menions à Combourg, ma soeur et moi, augmentait l'exaltation de notre âge et de notre caractère. Notre principal désennui consistait à nous promener côte à côte dans le grand Mail, au printemps sur un tapis de primevères, en automne sur un lit de feuilles séchées, en hiver sur une nappe de neige que brodait la trace des oiseaux, des écureuils et des hermines. Jeunes comme les primevères, tristes comme la feuille séchée, purs comme la neige nouvelle, il y avait harmonie entre nos récréations et nous.
Ce fut dans une de ces promenades, que Lucile, m'entendant parler avec ravissement de la solitude, me dit : " Tu devrais peindre tout cela. " Ce mot me révéla la muse, un souffle divin passa sur moi. Je me mis à bégayer des vers, comme si c'eût été ma langue naturelle ; jour et nuit je chantais mes plaisirs, c'est−à−dire mes bois et mes vallons ; je composais une foule de petites idylles ou tableaux de la nature. J'ai écrit longtemps en vers avant d'écrire en prose : M. de Fontanes prétendait que j'avais reçu les deux instruments.
(Livre 3 chapitre 7)

Le grand Be


Le Grand Be : tombeau de Chateaubriand

Saint−Malo n'est qu'un rocher. S'élevant autrefois au milieu d'un marais salant, il devint une île par l'irruption de la mer qui, en 709, creusa le golfe et mit le mont Saint−Michel au milieu des flots. Aujourd'hui, le rocher de Saint−Malo ne tient à la terre ferme que par une chaussée appelée poétiquement le Sillon. Le Sillon est assailli d'un côté par la pleine mer, de l'autre est lavé par le flux qui tourne pour entrer dans le port. Une tempête le détruisit presque entièrement en 1730. Pendant les heures de reflux, le port reste à sec, et à la bordure est et nord de la mer, se découvre une grève du plus beau sable. On peut faire alors le tour de mon nid paternel. Auprès et au loin, sont semés des rochers, des forts, des îlots inhabités ; le Fort−Royal, la Conchée, Cézembre et le Grand−Bé, où sera mon tombeau ; j'avais bien choisi sans le savoir : be, en breton, signifie tombe. (L 1 Chapitre 3)  


Lettre de remerciement au maire de Saint Malo :
Je n'avais jamais prétendu et je n'aurais jamais osé espérer, Monsieur, que ma ville natale se chargeât des frais de ma tombe. Je ne demandais qu'à acheter un morceau de terre de vingt pieds de long sur douze de large, à la pointe occidentale du Grand-Bé. J'aurais entouré cet espace d'un mur à fleur de terre, lequel aurait été surmonté d'une simple grille de fer peu élevée, pour servir non d'ornement, mais de défense à mes cendres. Dans l'intérieur je ne voulais placer qu'un socle de granit taillé dans les rochers de la grève. Ce socle aurait porté une petite croix de fer. Du reste, point d'inscription, ni nom, ni date. La croix dira que l'homme reposant à ses pieds était un chrétien : cela suffira à ma mémoire.






vendredi 30 novembre 2012

Gabriel Jan :Ys, le monde englouti




Dans son roman Ys, le monde englouti Gabriel Jan écrit :

"Cette version libre sous forme de roman est une nouvelle écriture qui respecte toutefois les textes de toutes les époques. j'y ai apporté comme le fait le barde ma part d'imagination, fidèle aux traditions qui veulent que les légendes soient adaptées, remaniées, enrichies afin qu'elles continuent à vivre"

Et c'est ce qu'il fait effectivement. La légende d'Ys qui sert de départ à cette histoire est bien sûr respectée. Gadlon a construit une ville magnifique pour sa fille Dahut mais celle-ci vit dans la débauche et la luxure. Dans son palais, elle accueille des courtisans qui ne pensent qu'au luxe et aux plaisirs. Elle tue ses amants d'une nuit en les précipitant dans un gouffre. Mais elle ne se donne qu'à l'océan, son époux divin. Pourtant un jour, elle a pour amant un étranger qui exerce sur elle sa domination.  Celui-ci, avec l'aide de Dahut, vole la clef des portes de la cité d'Ys au roi Gadlon. Il ouvre les portes à l'océan qui engloutit la ville. Gadlon peut se sauver sur son cheval magique mais Dahut est précipitée dans les flots.

 C'est à partir de cette légende que Gabriel Jan a bâti son récit et imaginé des personnages qui n'ont rien à voir avec elle.

Gélan D'Edarpt, un jeune médecin étranger arrive à Ys avec ses onguents pour exercer son métier et y faire fortune. Attaqué par des brigands, il est défendu par Ceryl, un jeune homme au premier abord sympathique, qui  l'héberge chez son père, le meilleur tailleur de Cornouiailles. La soeur de Céryl,  Cipée, tombe amoureuse de lui mais il ne répond pas à ses avances. En fait, il  aime la fille du barde Nasahben nommée Dryad. Nous comprenons bien vite que Gélan n'est pas tout à fait celui qu'il prétend être et qu'il est investi d'une mission.  Il va s'opposer à trois druides qui sont alliés avec Dahut, pour défendre la cité qu'ils savent menacée.  Mais Gélan, qui est-il vraiment? Quel monde représente-t-il?

En fait la légende de la ville d'Ys devient ici un roman fantasy. L'auteur gomme le merveilleux chrétien de la légende :  le rôle des saints qui convertissent Gadlon est affaibli, le diable est absent du récit, le bal satanique n'a pas lieu, le masque qui se resserre sur le visage des amants de Dahut et les étouffe n'est plus. Mais les personnage possèdent des pouvoirs magiques qui leur permettent de mener le combat entre le Bien et le Mal et ils se disputent le Trémillon ou l'Aigue bleue, pierre magique susceptible de retenir les flots de l'océan.
J'ai cependant trouvé que l'histoire était parfois assez mal ficelée. Par exemple Cipé, l'amoureuse évincée disparaît du récit et le personnage de Céryl est finalement oublié, l'amour entre Dryad et Gelan, style coup de foudre, est un peu fleur bleue. Quant à  Dahut, elle apparaît trop vulgaire et peu intelligente, ce qui lui enlève la force et l'aura qu'elle a dans la légende. Elle cesse d'être le symbole de la religion celtique s'opposant à la christianisation de la Bretagne qui enseigne le péché et l'horreur du plaisir.

Voir Billet de l'oncle Paul ICI

Lecture commune avec Miriam et Aymeline








mercredi 28 novembre 2012

La légende d'Ys de Charles Guyot : Lecture commune avec Aymeline et Miriam


La submersion de la ville d'Ys, advenue au Ve siècle, n' a pas eu la fortune d' inspirer plus tard un Chrestien de Troyes, écrit Charles Guyot, dans son avant-propos, et de prendre place dans le trésor immense des romans du Moyen-âge. Ni la douce Marie de France chantant la départie amoureuse de Gradlon, ni le moine Albert de Morlaix narrant, dans la Vie des Saints de la Bretagne armorique, la juste perdition de la cité maudite, n'auraient sauvé leurs héros de l'oubli. Mais la tradition populaire, profondément attachée à son patrimoine poétique, n a pas laissé périr la plus tragique de ses fables. Nous avons fait leur part, dans ce récit, aux différentes versions de la légende, en donnant à celle-ci tout le développement que méritent son importance et sa beauté.

La légende

 Gradlon, Dahut, Saint Guénolé et le cheval Morvach d' Evariste Luminais

Gradlon est roi de Cornouailles. Il ne se console pas de la disparition de sa femme, une"Walkirie" du Nord, la belle et farouche Malgven qu'il a tant aimée, morte en couches. Face à sa fille Dahut dont la beauté rappelle celle de sa mère, cet homme qui est pourtant un valeureux guerrier fait preuve d'une grande faiblesse.  Bien qu'il soit gagné à la foi chrétienne et qu'il bâtisse de nombreuses églises sur ses terres, il cède à tous les caprices de Dahut et lui fait édifier la cité d'Ys, la plus belle et la plus riche de toute la Bretagne. La ville est protégée de l'océan par un système de digues dont les lourdes portes sont maintenues fermées par une clef d'argent. Dahut  vit dans la débauche, prend un amant chaque soir et le fait périr le lendemain en livrant son corps à la mer. Ses péchés lui feront finalement encourir la colère divine et la cité d'Ys sera engloutie. Seul Gradlon, sur Morvach son cheval magique, parviendra à se sauver à condition qu'il rejette dans les flots sa fille Dahut qu'il porte en croupe :
Gradlon, Gradlon, tu te perds, si tu veux vivre, rejette le démon qui est derrière toi lui demande Saint Guénolé qui d'un coup de bâton rejette Dahut dans les flots.

Le site

 Le site de la cité d'Ys fait l'objet de maintes spéculations mais il est communément admis que son emplacement est à Douarnenez, près de l'île Tristan. On dit que jalouse de sa rivale, Lutèce prit le nom de " Par Ys ", et lorsque l'orgueilleuse capitale sera à son tour engloutie, Ys ressurgira des flots.

L'affrontement de deux religions

La christanisation de la Bretagne

Comme toute légende remontant à des temps reculés, elle peut recevoir plusieurs interprétations. Il s'agit bien sûr d'un combat entre le Bien et le Mal  mais surtout elle raconte l'affrontement entre deux religions,  le paganisme celtique et le christianisme. La christianisation de la Bretagne par des moines irlandais au Ve siècle de notre ère est très présente dans la légende. On y voit, en effet, l'ermite Ronan que Gradlon rencontre dans les forêts de Cornouailles, Corentin que le roi fait évêque de Quimper et qui impose la morale et les lois chrétiennes à la Bretagne, Guénolé à qui il attribue le moustier de Landevennec.

Dahut représente la résistance à la christianisation.

 Mais Dahut ne plia point; comme cavale sous le fouet, elle frémit et se cabra; ses prunelles soudain furent pleines d'orage :
Naguère, s'écria-t-elle, on trouvait en Quimper aise et liberté; chacun portait habits et joyaux à sa guise et il m'advenait d'y rencontrer figures riantes, coiffures de fête, bandes joyeuses. Aujourd'hui ce ne sont que robes de bure, crânes rasés, grises mines. Les jeunes gens ressemblent aux vieillards, gaieté n'a plus d'asile.

Le Merveilleux païen et le merveilleux chrétien

 La cité d'Ys de Lionel Falher

Dahut reste fidèle aux anciennes divinités celtiques, c'est pourquoi, dans cette légende, le Merveilleux païen et le Merveilleux chrétien se répondent et se combattent.
 Dahut va sur l'île de Sein voir les prêtresses du culte ancien d'Armorique, les Sènes. Celles-ci avaient des enchantements pour exciter ou apaiser les tempêtes, dévoiler les aventures périlleuses, guérir les maladies mortelles.
Mais le dieu venu d'Orient avait troublé leurs fêtes et dispersé leur assemblée, et les vierges de l'île, délaissées sur le roc sauvage n'avaient plus pour hôtes que les oiseaux de mer.
Dahut leur demande de construire une digue pour protéger les habitants la ville d'Ys? Ce sont les korrigans qui vont lui venir en aide et bâtir les digues et un château merveilleux pour elle. Ce sont eux qui maintiendront les portes fermées  à l'océan par leurs pouvoirs magiques.
Dahut célèbre ses épousailles avec l'Océan en jetant son anneau d'or dans la mer; dans la grotte où elle se baigne son divin époux vient la caresser de ses vagues.
Le cheval que son épouse, Malgven donne à son bien-aimé Gradlon participe aussi à ce merveilleux païen:
Malgven répondit, j'ai un vivant navire, un cheval enchanté qui nous portera tous deux sur les flots de ta nef fuyante.
Et dans l'écurie Gradlon trouva un étalon noir comme la nuit, sans bride, sans frein dont les naseaux soufflaient une rouge vapeur, dont les yeux jetaient des flammes.

Le Merveilleux chrétien n'est pas en reste! Les saints rencontrés par Gradlon en sont prodigues! Le saint Ermite Ronan apaise des dogues furieux d'un signe de croix et ressuscite une fillette que sa mère avait tuée. Corentin offre un maigre repas à Gradlon qui se transforme en festin. Guénolé empêche une première fois les portes de la ville de s'ouvrir. Et enfin, c'est le diable lui-même qui consomme la perte de la cité en envoyant les courtisans de Dahut en enfer au cours du bal des Trépassés et en volant la clef d'argent qui va ouvrir les portes d'Ys et laisser entrer l'océan déchaîné.

Le style médieval

Charles Guyot imite avec beaucoup d'aisance et d'harmonie le style des lais de Marie de France.  L'emploi du décasyllabe, avec son balancement à la césure 4/6, renforcés par les images poétiques, introduit une musique  et donne à cette légende un air nostalgique.

Le style est médiéval à la fois dans le vocabulaire et dans la syntaxe. Voici comme exemple  la chanson du barde aux  cheveux blancs, intitulée Le lai des amours

Le roi Gradlon, s'apprête à guerroyer
Loin dans le nord; tel est son dur métier.
Là sont cités, châteaux, moutiers et bourgs
bien défendu de remparts et de tours
Là sont aussi greniers et beaux trésors,
Gloire et butin veulent danger et mort.
Dur est le vent, large l'océan vert
long le chemin jusqu'au pays d'hiver
Partout écueils, naufrages et tempêtes.
Au marinier tout est disette et peine.
Combien partis n'ont pas revu leur terre,
sont endormis au tombeau de la mer.
Gradlon le roi a requis tous ses gens
de l'assister par bataille et argent,
gréé sa nef et sa voile éployé
pris son bon glaive et son haubert maillé
quitté le port aux beaux jours francs d'orage
Cent beaux vaisseaux voguent dans le sillage.

L'emploi de termes anciens comme moutier, nef, guerroyer, requis, francs (d'orage), les termes se rapportant à l'habillement glaive, haubert maillé, ou les mots nobles comme vaisseaux,  éployé, la métaphore tombeau de la mer donnent une coloration médiévale au style de Charles Guyot.  La syntaxe emprunte aussi au Moyen-âge avec modifiant l'ordre des mots de la phrase, l'adverbe indiquant le lieu en tête, les sujets étant inversés Là sont aussi greniers et beaux trésorsde même avec l'inversion des adjectifs :  Dur est le vent, large l'océan vert;  long le chemin...  et une construction radicalement différente de la syntaxe moderne Combien partis n'ont pas revu leur terre,/ sont endormis au tombeau de la mer.
 Les énumérations qui amplifient la description : Là sont cités, châteaux, moutiers et bourgs,  le chiffre cent,  l'emploi des mots qui généralisent Partout ou quantifie combien , l'insistance, loin dans le nord, long le chemin ... tous ces effets stylistiques produisent un  grossissement épique qui fait du voyage de Gradlon une Odyssée fantastique dans le temps et dans l'espace très éloignés de notre monde..  D'où une certaine magie du texte!

Une  belle légende, donc, très bien contée et mise en poésie pour ne pas dire en musique par Charles Guyot, auteur inspiré.

Lecture commune avec Aymeline  ICI et Miriam ICI

Le livre est voyageur :  rapide à lire! Qui le veut?




mercredi 14 novembre 2012

Anatole Le Braz : Le gardien du feu ou l'amour impossible d'un Léonard et d'une Trégorroise


La pointe du Raz et le Phare de Gorlébella




Anatole Le Braz  (1859_1926) est né en Bretagne dans les Côtes-d'Armor à Saint-Servais dans une famille d’instituteurs publics, défenseurs de l’idéal républicain. Il a vécu une partie de sa jeunesse en Bretagne avant d'aller faire des études lettres-philosophie à la Sorbonne. Poète et écrivain, il se passionne aussi pour le folklore de sa région et collecte de nombreuses légendes, des témoignages de la vie quotidienne. Il a été le disciple d’Ernest Renan et de François-Marie Luzel,  folkloriste.  Il s’est insurgé très tôt contre la politique d’étouffement de la langue bretonne. Féministe convaincu, véritable père fondateur du Mouvement breton dès 1898, il a toujours privilégié la plus large ouverture possible sur le monde, conjuguée à l’obsession constante de l’Au-delà et de l’Ailleurs. Son oeuvre la plus célèbre reste : La légende la mort en basse-Bretagne (1893). Il a publié de nombreux écrits sur la Bretagne : Au pays des Pardons (1894)  Au pays d'exil de Chateaubriand (1909) des contes et nouvelles : Vieilles histoires du pays breton (1897), Contes du soleil et de la brume (1905) Le sang de la sirène (1901), Les noces noires de Guernaham, Le Gardien du feu (1900)...





Je vous l'ai dit à propos du roman de Rachilde La Tour d'amour, les phares bretons inspirent aux écrivains des romans sombres et tourmentés tout comme le sont les personnages qui y vivent! Dans Le gardien du Feu d'Anatole Le Braz, c'est le phare de Gorlébella en plein Raz qui sert de décor pour cette histoire d'amour et de jalousie proche de la folie.

Le phare de Gorlébella est resté éteint toute une nuit. Ce fait insolite et inquiétante attire une équipe de secours qui découvre deux cadavres, un homme et une femme, enfermés dans une chambre cadenassée du phare. Quant à Goulven Dénès, le gardien chef, il a disparu après avoir laissé un journal où il explique le drame atroce qui vient de se jouer. Le récit raconte sa rencontre avec une belle fille de Tréguier, Adèle Lézurec, dont il tombe éperdument amoureux. Il l'épouse et l'amène à la pointe du Raz, dans le hameau où sont logés les trois gardiens de Gorlébella qui travaillent en alternance, un mois en mer suivi de quinze jours de congé. Or la jeune femme abandonnée à elle-même, sans amis, dans un lieu battu par les vents et les tempêtes, s'ennuie et déprime. Aussi quand l'un des gardiens du phare est remplacé par Louan, un jeune trégorrois comme elle, gai et charmeur, ce qui doit arriver, arrive!

Vous l'avez compris, l'intérêt du roman ne porte pas sur le suspense du récit, sur ce qui va se passer mais sur le pourquoi et le comment. 
L' explication psychologique du drame, avancée par Anatole Le Braz, est pour le moins curieuse aux yeux du lecteur du XXI ème siècle habitué au brassage des populations. Un gars du Léon n'épouse pas une fille de Tréguier. Le Léonard est sévère et sombre, marqué par la religion, la trégorroise est légère, rieuse, aime s'amuser et danser. Il y a une incompatibilité de caractère entre eux. L'analyse psychologique des personnages montrent bien, en effet, la différence de comportement des deux époux. Cependant, l'immense amour et l'admiration que Goulven voue à Adèle et sa gentillesse envers elle compensent son austérité tant qu'ils sont dans des villes accueillantes. C'est en arrivant dans le village de la Pointe du Raz que leurs relations se gâtent. Adèle ne peut supporter la solitude, la sauvagerie de ses voisins, et l'atmosphère qui règne dans ce lieu aride et désolé, ce sinistre paysage, un dos de promontoire nu et comme rongé par la lèpre, troué çà et là par des roches coupantes, de monstrueuses vertèbres de granit.". L'influence de cette région inhospitalière va donc provoquer le drame et la désunion du couple. La personnalité de Goulven terrassé par la jalousie se révèle alors. Entier dans son amour, il ne peut supporter la trahison et la duplicité de sa femme, et devient un monstre insensible à la pitié. Le phare servira sa vengeance!
L'auteur dénonce ici les excès de la religion catholique qui prive les hommes de la joie de vivre et considère le bonheur comme un péché. Une pratique de la religion qui joue sur la peur et la renonciation et non sur la bonté puisque Goulven confronté au mal se fermera à tout sentiment d'humanité et de pardon.
 "On voit bien que tu as été élevé pour la prêtrise, dit Adèle à Goulven, dans un contrée où les jeunes filles se croiraient damnées, si elles chantaient ailleurs qu'à la messe.Tu parles de tout et même de l'amour, sur un ton de prêcheur. "

Le portrait d'Adèle est plein de charme et c'est à elle que va la sympathie du lecteur. Goulven l'admire:
Vous autres, filles du Trégor, lui disais-je, vous avez eu des fées pour aïeules; elles vous ont légué des secrets magiques.. Les femmes de chez nous ne savent que prier les saints et filer de la laine. Toi et tes pareilles, vous êtes des tisseuses de beaux rêves.

Mais il la condamne sans appel à cause de ce qu'il aime justement chez elle, sa légèreté, sa séduction, sa soif de bonheur. Anatole le Braz en analysant ainsi les contradictions du personnage témoignent d'une grande habileté dans la connaissance de la psychologie. Il a aussi l'art de peindre des atmosphères, de décrire un paysage en nous en faisant sentir les maléfices, de transformer un atroce fait divers en tragédie. Un écrivain à découvrir!

Voir le billet de Miriam sur Le Gardien du feu  

Voir aussi les autres romans de Le Braz  :
 Le sang de la sirène
Les noces noires de Guerneham