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jeudi 7 septembre 2017

Estelle Fenzy : Mère


Je vous ai déjà parlé dans mon blog d'Estelle Fenzy : Rouge vive  ICI.  La voici à nouveau avec un merveilleux recueil vrai, tendre, intitulé Mère, poèmes vibrants d'émotion et de retenue qui font mouche et vous touchent en plein coeur.


Être mère : l'enfantement, déchirure vers un amour infini : 

 Mon ventre s'accomplit.

Un sanglot ouvre gorge à  la vie. Le cri de l'enfant se jette dans mes bras. Et pendant qu'on le baigne et l'entoure de linges, l'avenir hors de moi pleure déjà dans son alcôve.

Chantant sirène mes eaux perdues, je suis mère.

Moments de bonheur précieux :

Il joue. Accroupi dans le salon, il me regarde. Chance d'être là. De sentir sur moi cet amour rebondir.
(...)
 Un petit nez mouillé dans mon cou, je suis mère.

mais aussi d'inquiétudes et de craintes :

 Je tremble.

Devant les rues à traverser, les marches d'escalier, les bouts de verre cassés. Là où ça coupe, pique, brûle.

Lorsqu'un danger cogne sans bruit sur le doux mur du ventre, moi seule je l'entends
 (...)

Je suis une femme qui tremble

Je suis mère.

Joies de voir grandir l'enfant, savoir qu'il va  partir, dériver vers un autre avenir où l'on ne sera plus.

 Elles sont belles et rondes. Leurs joues quémandent sans cesse les baisers. L'urgence heureuse à me trouver tout près dans la maison.

J'ai vu pousser les dents, les cheveux. Les seins magnifiques. Les ailes et les ongles vernis. 

A peine humaines, elles s'essuient les pieds sur les bords du chemin. Se déchaussent et légères promènent rossignols la chanson de leur jeune temps. Les plumes de leur robe.
 (...)

 Être toute leur vie. Pas pour toujours.

Je suis mère.
 
Consolation, Partage, Transmission  :

Au milieu de la nuit enfant pleure.

Il dit 
Je ne veux plus grandir. Si je continue, tu vas devenir vieille. Et mourir. Je ne veux pas.

Je dis
C'est la vie. Elle passe. L'amour, non. Nos absents glissent tout bas des mots dans nos poings fermés. Si tu ouvres les mains, le souffle se libère dans le vent. Là s'écrit notre bonne aventure.

Quand mon coeur battra trop tard, tes yeux joueront de la musique. Ma joie survivra dans leur bleu. J'y serai cette ombre dansante que jamais le soleil ne gomme.

Je suis mère.

Acceptation, vieillesse, Amour toujours :

Un jour je guetterai les pas sur les graviers. Les coups à la fenêtre.

Les dimanches de chance, ils m'encercleront de leurs bras, de leurs questions. Réchaufferont mes épaules. Le bleu écaillé de mes yeux. (...)

Je serai vieille, enfant de mes enfants.

Toujours 
mère.

Ces quelques extraits pour vous communiquer l'émotion qui naît de la lecture de ce beau  recueil :  chaque poème explore avec délicatesse, sensibilité et justesse, la légèreté et la gravité d'être mère.

 Mère  : Estelle Fenzy aux Editions Boucherie littéraire collection La feuille et le fusil

 
Henry Moore  : Mère


mardi 5 septembre 2017

Arnaldur Indridason : Dans l'ombre



Le roman d’Arnaldur Indridason, Dans l'ombre aux éditions Métailié, explore un des moments de l’histoire Islandaise qui en 1941 fut occupée par les forces armées britanniques et américaines, pour faire obstacle au nazisme.

L’écrivain brosse un tableau passionnant de ce bouleversement historique qui chamboule la vie, les habitudes et même les moeurs des habitants de l’île. C’est l'aspect du roman qui m’a le plus intéressée. L’occupation de l’Islande par des soldats alliés, arrivés en masse, transforment l’économie du pays, créent des emplois, donnent aux femmes, en particulier, des espoirs d’avenir et d’émancipation.  Se faire épouser par un soldat anglais, c’est sortir de la misère et quitter un pays pauvre, économiquement en retard sur ceux des occupants. Les femmes couchent avec les soldats, s’amusent avec eux dans des bars et des dancings qui se développent, trouvent du travail dans les blanchisseries et les cantines. C’est ce que les islandais ont appelé la Situation. La police est obligée de protéger les jeunes adolescentes attirées par le miroir aux alouettes pour éviter qu’elles ne servent de prostituées aux soldats.

C’est dans ce contexte que se place l’intrigue policière : un représentant de commerce, Eyvindur, est assassiné dans l’appartement d’un de ses collègues, Félix Lunden. Son cadavre est marqué au visage par une croix gammée. Les soupçons se portent vite sur ce Félix qui appartient à une famille d’origine allemande qui semble avoir eu des sympathies pour l’idéologie nazie. Félix exercerait-il des activités d’espion à la solde de l’Allemagne nazie ? De plus,  c’est un ancien camarade de classe d'Eyvindur, ce qui va mettre à jour des zones d’ombre de leur enfance commune.
 Pourtant un colt appartenant à l’armée américaine oriente les enquêteurs vers les soldats qui peuplent la ville. Et ceci d’autant plus que Véra, la femme d'Eyvindur, qui a quitté son mari pour travailler comme blanchisseuse, a une liaison avec un soldat  étranger.

Ce sont deux jeunes enquêteurs peu expérimentés qui mènent l’enquête : Flovent qui travaille depuis quelques années à la Criminelle de Reykjavik où les crimes sont rares. Il a fait un stage à Scotland Yard. Thorson, canadien d’origine islandaise, interprète maîtrisant la langue islandaise, est affecté à la police militaire britannique puis américaine. Il devient l’assistant de Flovent parce qu’il est le seul capable de communiquer avec les habitants tout en garantissant les intérêts de l’armée.
Les deux policiers malgré leur inexpérience vont se révéler entêtés et coriaces. Ils sont sympathiques et l’on s’intéresse à eux, même s’ils ne m’ont pas encore  permis d’oublier le regretté Erlendur. Mais laissons leur le temps ! Dans l’ombre n’est que le premier tome d’une trilogie qui va certainement permettre aux deux personnages de s’imposer. Le deuxième volume La femme de l’ombre paraîtra en octobre  2017. A suivre donc !



dimanche 3 septembre 2017

Ian Mc Ewan : Dans une coque de noix



Bien au chaud et bien à l’abri (du moins c’est ce que l’on pourrait espérer ! ) dans l’utérus de la mère, le foetus assiste, impuissant, à un complot dont les protagonistes sont sa mère, la belle, la sublime Trudy et son amant Claude qui n’est autre que le frère de son père. Et qui est son père ? Le poète John Cairncross, brillant et lettré, très amoureux de sa femme, que le bébé ne peut s’empêcher de comparer à l’infâme, grossier et ignare Claude. Les mystères du sexe et de l’amour le laissent perplexe ! C'est ce qu'imagine Ian Mc Ewan, avec son dernier roman  : Dans une coque de noix

Et quel complot, allez-vous me dire? C’est ce que l’enfant en devenir va s’efforcer de comprendre en espionnant les uns et les autres. Le meurtre du père ! Dès lors, la grande question du futur bébé sera : « naître ou ne pas naître? »

Le titre du roman Dans une coque de noix, outre qu’il fait allusion à la situation du bébé dans le ventre de sa mère, s'explique par les vers de Shakespeare issus de Hamlet  donnés en exergue  : «  O Dieu, je pourrais être enfermé dans un coque de noix et m’y sentir roi d’un espace infini, n’était que j’ai de mauvais rêves. »
En réalisant cette enquête policière in utero, Ian Mc Ewan signe un roman dont l’humour noir, au second degré, procure un vif plaisir ! Nous assistons donc aux interrogations du foetus angoissé, qui tel Hamlet, hait l’amant de la mère, cherche à sauver son père mais comprend bien que sa vie ne tient qu’à un fil si la mère échoue et meurt ! Et le voilà écartelé entre ses deux parents ! Cruel dilemme... si jeune !
Mais ne vous y trompez pas  ! Malgré le point de vue farfelu, l’enquête est conduite jusqu’au bout comme un véritable thriller où l’on craint tour à tour pour la vie du père, celle du foetus et de la mère. La passion, l’adultère, la jalousie, l’amour si proche de la haine, meurtre et fratricide, il s’agit bien de la tragédie shakespearienne traitée avec une savoureuse ironie !
Un brillant exercice de style !

samedi 2 septembre 2017

Myriam Ouyessad, Arnaud Nebacche : Tibouli, rêve de couleurs


C’est l’hiver sur la banquise. Maman ours (Mamours) rassemble ses petits dans la grotte : c’est le moment d’hiberner pendant de longs mois alors que la nuit va régner sur le paysage tout blanc de la banquise. 


Mais petit ours en a assez du blanc et il veut des couleurs ! Le voilà parti sur son iceberg qui vogue sur la mer toute bleue, si bleue que notre petit aventurier voudrait bien une autre couleur et encore une autre…

Site de l'Illustrateur Arnaud Nebacche Ici
Son radeau de glace, de couleurs en couleurs, l’amène dans de lointains pays où toutes les couleurs éclatent comme un feu d’artifice ! Comme le Monde est divers et beau !




Voilà un délicieux petit livre avec une histoire simple, bien à la portée des tout-petits et de magnifiques illustrations qui sont un régal pour les yeux. Petit ours découvrira au cours de son voyage que chacun désire ce qui n’est pas à sa portée et que le blanc peut être une belle couleur aux yeux de ceux qui ne peuvent en jouir. Grâce à la solidarité des oiseaux multicolores, il pourra regagner son beau pays de glace et de neige.

Un livre coup de coeur aux éditions Circonflexe !

Ma petite-fille Léonie qui entre en CE1 l'a lu. La lecture est très facile pour elle et elle a été séduite par l'histoire et les illustrations qu'elle a énormément aimées.

Voyons maintenant ce qu'en pense mon petit-fils Liam (4 ans)  à qui j'ai offert et lu ce livre destiné aux enfants à partir de 3 ans :
J'ai aimé le livre beaucoup, beaucoup,  beaucoup. Surtout quand tout est bleu et quand l'ours rencontre les oiseaux multicolores. Et ce qui ma plu, c'est quand la maman ours appelle tous ses enfants pour venir se coucher et que petit ours n'y va pas et s'en va sur son radeau.

 

 Les Incorruptibles


 *Les Incorruptibles  : http://www.lesincos.com/

J’ai découvert les Incorruptibles grâce à l’enseignante de ma petite-fille qui avait signalé aux parents qu’ils pouvaient charger des livres gratuits pendant l’été. 


Les Incos est une association agréée par l’éducation nationale qui cherche à susciter chez les jeunes le désir et le plaisir de lire. Elle organise chaque année un concours auquel participe les élèves des écoles et collèges et qui permet de sélectionner les meilleurs livres pour enfants de la Maternelle à la 3ième. 

Pour offrir des livres à mon petit Liam (4ans) j’ai choisi des albums qui ont été lauréats du 28°  prix 2016-2017 des Incorruptibles :  Tibouli rêve de couleurs en fait partie.  

Je vous parlerai aussi d'un autre livre choisi pour Liam qui a été primé : L'Oiseau qui avait avalé une étoile

 Et un autre qui a été sélectionné pour le 29ième prix  : Au bureau des objets trouvés

Avis aux parents  : Ce sont tous des livres de qualité

jeudi 31 août 2017

Anne-Cathrine Riebnitzsky : Les guerres de Lisa


De retour de mission en Afghanistan pour l’armée danoise, dans l’avion qui la ramène au Danemark, Lisa se retrouve aux côtés d’Andreas, médecin, à qui elle décide de raconter l’histoire de sa vie. Une histoire familiale lourde à ­porter : une mère manipulatrice et dépressive, un père violent, la tentative de suicide de sa jeune sœur… Mais aussi l’histoire de quatre frères et sœurs liés par un même combat : survivre — à la guerre comme dans la vie.
Lisa dévoile de terribles secrets, comme les cir­constances exactes de la mort accidentelle du père, et les conséquences tragiques d’une mission para­chutiste en ­Russie à laquelle son petit frère Peter a participé. (Quatrième de couverture)

 Si le livre Les guerres de Lisa de Anna-Cathrine Riebnitzsky aux éditions Gaïa commence en Afghanistan où Lisa et son frère Ivan, tous deux soldats comme le fut l’auteure elle-même, mènent leur guerre, le roman nous ramène bien vite au Danemark au chevet de la petite soeur Marie, musicienne, qui vient de faire une tentative de suicide. Et l’on s’aperçoit que la guerre ne cesse pas mais se déplace de l’extérieur vers l’intérieur, au sein de la cellule familiale où la fratrie, deux frères, deux soeurs dont Lisa est l’aînée, est unie dans la lutte pour la survie qui les a opposés à leurs parents et dont ils porteront toujours les marques. Le roman alterne, en effet, les retours dans le passé et les moments présents.
La mère admirée mais malade, suicidaire, dont on découvre comment elle joue avec l’affection de ses enfants disant à chacun d’eux qu’il est le préféré ; le père violent et brutal qui attise la haine de ses enfants. Haine qui unit aussi les époux qui ne se sont jamais aimés, jamais entendus. Oui, la guerre est à l’intérieur. C’est ce qu’exprime Marie, la jeune soeur artiste, plus fragile que ses aînés : « Elle dit que les munitions, dans cette maison, ce sont les gifles et les mots. »
L’auteure dont il semble que le récit soit en partie autobiographique crée une atmosphère pesante autour de cette famille sur laquelle pèse, même après la mort du père, des non-dits, ce que l’on soupçonne sans jamais le formuler. Une version des Atrides au Danemark qui permet de comprendre pourquoi deux des enfants Lisa et Ivan se réalisent dans les combats de l'armée danoise qui mettent leur vie en danger, vie que les poussées d’adrénaline rendent précieuse tandis que le second frère Peter est sur un fauteuil roulant. On y voit aussi comment les névroses se forment d’une génération à l’autre, de la grand-mère de Lisa à sa mère qui dès l’âge de huit ans avait la conviction: « que la seule façon de rendre sa mère heureuse était de mourir. »  L’écrivain arrive à rendre la complexité des rapports humains mais j’ai trouvé que les enfants étaient singulièrement tendres entre eux contrairement à ce que leur enfance à la dure laissait attendre !

Si l’enfance malheureuse et ses séquelles est un thème largement exploité dans la littérature, Anne-Cathrine Riebnitsky, écrivaine danoise, a une manière personnelle de traiter ce sujet grave qui se termine contre toute attente par une note optimiste.



vendredi 18 août 2017

Elizabeth George : Un patience d'ange



En promenant son chien dans la lande près du cercle de pierres de Nine Sisters Henge, au nord de l'Angleterre, une vieille dame découvre le cadavre d'un jeune homme, poignardé. La police, rapidement arrivée sur les lieux, ne tarde pas à trouver, non loin de là, le corps d'une jeune femme, tuée d'un violent coup à la tête. Et très vite les premières questions se posent : les victimes se connaissaient-elles ? Existait-il un lien entre elles ? Y a-t-il une raison pour que le meurtrier les ait tuées de deux façons différentes ? (Résume quatrième de couverture)

Un double meurtre sur une lande dans le Derbyshire. Elizabeth George nous concocte ici une intrigue vraiment complexe avec une foule de personnages qui tous auraient eu une raison - y compris ses propres parents-  pour tuer Nicola Maiden! Nicola, une fille qui n’a pas froid aux yeux et collectionne les amants comme des vieilles chaussettes ! Voilà de quoi  faire quelques mécontents ! Mais ce n’est pas tout ! Ce que l’on va découvrir sur elle au cours de l’enquête complique encore le récit  et l’on peut en dire tout autant, quoique pour d’autres raisons, du jeune homme occis en même temps qu’elle, Terry, artiste autoproclamé. Bien, n’oublions pas le prologue qui a une importance extrême et pourrait nous mettre sur la voie si nous étions plus fûtés.
 C’est tout à l’honneur de Elizabeth George de pouvoir nous tenir en haleine en nous amenant de fausse piste en fausse piste ! De plus elle nous balade dans des milieux interlopes pas piqués des vers qui feront votre éducation ! Et oui, l’on apprend beaucoup dans ce livre sur les milieux sado-masochistes !
J’ai bien aimé aussi, dans un tout autre ordre, me promener dans ce paysage du Derbyshire (même si l’auteure nous dit qu’elle a pris des libertés envers les lieux) au milieu de ces landes trouées de grottes, qui offrent des sites préhistoriques et des vieux châteaux en ruine.

C’est le premier livre que je lis de cette auteure aussi ai-je découvert ses personnages récurrents, les deux policiers : le très aristocrate Thomas Linley chargé de l’enquête, homme à principes, peut-être un peu misogyne, et sa coéquipière Barbara Havers issue du peuple. Celle-ci a du caractère et a l’air assez difficile à gérer mais est généreuse et humaine. Ma sympathie va à la seconde et j’aimerais bien lire le roman précédent qui l’a mise dans une situation difficile et l’a fâchée avec son chef. Quant à la victime Nicola, Elizabeth George a créé un personnage assez étonnant au point de vue psychologique  : une femme tellement exempte de préjugés et tellement libérée de toute morale judéo-chrétienne en ce qui concerne la sexualité déviante ou non, qu'elle paraît être une ovni.

En résumé un livre qui se lit bien et maintient notre intérêt pendant 650 pages !



samedi 12 août 2017

André Gardies, Jacques Mauduy : Je t'écris du Gévaudan, ma Lozère

Le Causse et la stippe pennée (source)
Retirée dans mes Cévennes natales, voici ce que je lis en ce moment : Je t'écris du Gévaudan, ma Lozère. Je rédigerai un billet sur ce livre qui se présente sous forme épistolaire quand je l'aurai terminé. En attendant voici  des extraits de la lettre 7 sur le Causse Méjean pas très loin de l'endroit où j'habite.

 Aujourd'hui, je t'écris de Hielzas sur la Causse Méjean.

"Ce qui me fascinait aussi c'était le paysage. Une immense steppe ondulée, grise en hiver, soyeuse, plus que verte au printemps, surmontée de croupes chauves. A l'assaut de ces versants doux, des murs, des murailles délimitaient d'immenses rectangles. J'y voyais volontiers d'anciennes fortifications, des enclos préhistoriques. Les chazelles, les capitelles couvertes de pierres m'attiraient : à l'intérieur de ces cabanes, un banc de pierre permettait de s'asseoir, un trou dans la couverture laissait échapper la fumée d'un feu dont on voyait les brandons éteints au sol dans un foyer sommaire. Je croyais dur comme fer que tout cela était préhistorique jusqu'au jour où, gardant les moutons avec l'oncle Sully, un violent orage nous attaqua et, réfugiés dans une de ces bories ("construite par le grand-père de sa femme") l'oncle avec son briquet en amadou alluma "un petit feu pour se sécher" avec un fagot qu'il prenait soin de renouveler après usage. Sa capitelle lui servait aussi à se mettre à l'ombre car elle  était bien fraîche en été grâce au frêne qui la protégeait."

Stippe pennée (source)

"Nous étalions nos cueillettes des plumets doux et chatouillants, de ce que les savants nomment la stippe pennée pour moi ce n'était que de l'herbe de soie joyeuse jouant au vent; lorsque j'ai vu la mer pour la première fois, je me suis retrouvé devant les ondulations de cette steppe. Mais la mer bleutée est violente alors que la mer herbue du Causse apaise. Pourtant les oiseaux, les araignées et les sauterelles y mènent d'âpres combats."

Le chardon-baromètre ou Carline à feuilles d'acanthe
"Quand mon grand-oncle venait voir son frère (discrètement) et et que nous cheminions tous les trois de chardons en chardons-baromètres, une grande tranquillité me gagnait : les histoires de beau temps, les légendes du géant enterré sous le dolmen et le mystère de ces eaux souterraines, des grottes, des avens, me fascinaient. Nous passions dans les combes ou du blé, de l'orge, attendaient d'être moissonnés. Des taches circulaires, vertes, jaunes et rouges en hiver, trouaient l'espace gris du Causse. J'avais alors, comme Tintin, aluni dans ces cratères, et les vrombissements des moteurs de ma fusée sortaient de la doline*, se perdaient dans l'immensité de la planète lunaire."
                                                                                                                  Jacques Mauduy

Doline en Lozère (source)

*Les dolines :  Les dépressions circulaires créées par la dissolution dans le calcaire du Causse sont appelées dolines ; elle sont cultivables.

Editions du Mont Ici


AndrRené Gardies, spécialiste de cinéma, est l’auteur de nombreux romans, enracinés dans le pays languedocien, cévenol et lozérien. En Gévaudan, il réside en Margeride.
Jacques Mauduy, géographe, historien, cartographe des Camisards, a inventorié et publié l’ensemble des monuments aux morts des pays catholiques et huguenots de la Lozère. En Gévaudan, il vit sur le versant nord du Bougès.

vendredi 4 août 2017

Pause estivale : Lozère et derniers échos du festival

Lozère  : le Petit Arbre Tourmenté sur le chemin de l'Arbre Foudroyé


Philadelphie, deux frères vivent seuls dans une grande maison depuis la disparition de leurs parents. L'aîné, Treat, est un petit délinquant qui vole les passants, armé de son cran d'arrêt. Il rapporte bijoux et argent à la maison, où son petit frère, Phillip, un garçon un peu lunaire, guette son retour, non sans crainte car Treat a pour habitude de le terroriser. Un soir, Treat ramène chez eux un homme alcoolisé, un peu loufoque, Harold, qui lui paraît fortuné. Harold s'endort et les deux frères découvrent dans sa mallette beaucoup plus d'argent qu'ils ne l'imaginaient. Ils décident de le kidnapper pour l'échanger contre une rançon ... Ils obtiendront beaucoup plus...
 
Un peu trop bon sentiment pour mon goût.

1830. Hugo est le porte-drapeau du romantisme, Sand, celui du féminisme, et Balzac invente le réalisme. Tels leurs héros, ils sont tourmentés et rebelles. Leur vie privée est une source intarissable d’anecdotes, de combats politiques et de passions amoureuses.
Emportés dans l'explosif 19ème siècle, les spectateurs accompagnent Victor, George et Honoré, boulimiques de travail et d'amour, au milieu des génies de la peinture (Delacroix), du roman (Dumas), du théâtre (Musset) et de la musique (Chopin).
 Assez pédago.




C'est avec ses deux derniers spectacles que s'achève mon festival d'Avignon 2017.

Et maintenant pause estivale en Lozère pour fuir la canicule avignonnaise : 41° à l'ombre aujourd'hui!  Il paraît que dans quelques dizaines d'années, les régions du sud de la France connaîtront des température avoisinant les 55° .. si l'on ne fait rien pour inverser la courbe !

A bientôt ! Un bel été à tous !

mardi 1 août 2017

Fausse note de Didier Caron Festival OFF d'Avignon



Comment vivre confortablement avec son passé ? Faut-il l’effacer ou l’assumer ?
Nous sommes au Philharmonique de Genève, dans la loge du chef d’orchestre de renommée internationale, Alexandre Miller. A la fin d’un concert, ce dernier est importuné à maintes reprises par un spectateur envahissant, Léon Dinkel, qui prétend être un grand admirateur venu de Belgique pour l’applaudir.
Cependant, plus l’entrevue se prolonge, plus le comportement de ce visiteur devient étrange et oppressant. Jusqu’à ce qu’il dévoile un objet du passé…
Qui est cet inquiétant Monsieur Dinkel ? Que veut-il réellement ?
Un face à face poignant entre deux acteurs saisissants. 

La pièce paraît reposer sur un suspense mais il n'en est rien. Dès que Leon Dinkel est là, on comprend de quoi il retourne! Le spectateur sait que Alexandre Miller est nommé à l'orchestre de Berlin dont il est originaire. Il est fait allusion au chef d'orchestre Karajan qui était membre du parti nazi, et donc l'on comprend tout de suite que l'envahissant personnage vient démasquer la véritable identité d'Alexandre Miller. Il ne faut pas être grand devin pour deviner qui il est et ce qu'on lui reproche.
 J'ai trouvé cette pièce un peu lourde dans sa démonstration et la mise en scène plate, sans changement de rythme. Les réapparitions de l'importun visiteur auraient pu être traitées avec plus humour  et de fantaisie pour devenir de plus en plus inquiétantes. Faire rire pour mieux asséner la vérité. Un crescendo accompagné d'une montée de l'angoisse aurait donc été le bienvenue. Il n'en est rien ou seulement esquissé. Tout est sur le même ton et Christophe Malavoy est raide comme la justice (qu'il incarne, c'est vrai) d'un bout à l'autre de la pièce comme le veut la mise en scène. Quant au dénouement de la pièce, il paraît bien consensuel, avec le pardon magnanime du juif martyrisé envers le criminel nazi.
Un bon moment pourtant, quand Alexandre Miller s'empare du revolver et révèle ce qu'il pense vraiment des juifs alors qu'il avait protesté de son innocence et invoqué sa jeunesse au moment du drame. Cela rend le personnage plus complexe, plus trouble et pose le problème de la liberté humaine et de la responsabilité.
Bien sûr, Christophe Malavoy et Tom Novembre sont de grands acteurs et ont une présence indéniable. C'est pour les voir que j'ai choisi ce spectacle. Mais la pièce ne m'a pas entièrement convaincue.

Fausse Note
Théâtre du chien qui fume
  • Interprète(s) : Christophe Malavoy, Tom Novembre
  • Co-metteur en scène : Didier Caron, Christophe Luthringer
  • Assistante mise en scène : Isabelle Brannens
  • Lumières : Florent Barnaud
  • Scénographie : Marius Strasser
  • Costumes : Christine Chauvey
  • Son : Franck Gervais

lundi 31 juillet 2017

Quand souffle le vent du nord de Daniel Glattauer mise en scène Judith Wille Festival OFF d'Avignon


"Une faute de frappe... Et les e-mails d’Emmi atterrissent chez un parfait inconnu, Léo. De ce quiproquo, un dialogue s'engage. Tour à tour drôles, sensibles et piquants, ils se dévoilent avec humour et malice. Au fil des mots, sans se voir, ils s'attirent. Finiront-ils par se rencontrer ?
Après son succès à Paris et au Festival d'Avignon, la comédie contemporaine adaptée du best-seller de l’écrivain autrichien Daniel Glattauer revient pour notre plus grand plaisir !"


La pièce Quand souffle le vent du nord s’annonce agréable : Charmants comédiens, pétillants et pleins d’humour, dialogue vif, malicieux où chaque partenaire fait preuve à la fois d'une drôlerie et d’un esprit acéré. Décor modulable et ingénieux qui devient, en un tour de main,  bureau, lit, table de café, canapé…  Oui, tout partait bien ! Et puis… Pourquoi faut-il que ce qui aurait pu être une comédie légère, certes, bulle de savon, peut-être, mais agréable divertissement, prenne peu à peu le ton du mélo, avec vieux mari malade, enfants impotents ? J e n'ai pas lu le roman mais au théâtre je vous assure que cela ne passe pas. Du coup, l’on ne peut plus croire à cette histoire d’amour par correspondance qui vire au tragique et le tout devient un peu prétentieux. L’humour n’est plus là et l’on s’ennuie en trouvant la fin longuette.
Bon, les comédiens, eux, n’y sont pour rien. Ils étaient très bons dans la fantaisie et je me suis bien amusée en leur compagnie dans la première partie de la pièce.

Condition des soies
Quand souffle le vent du nord
À 19h00
Durée : 1h15
 du 7 au 30 juillet    
 Matriochka productions
 Interprète(s) : Caroline Rochefort, Stéphane Duclot
 Metteur en scène : Judith Wille

dimanche 30 juillet 2017

30 juillet dernier jour du festival OFF d'Avignon, dernière pièce...



1830, Sand, Hugo, Balzac Tout commence...  est la dernière pièce que je vais aller voir ce soir au festival  OFF d'Avignon 2017 ...  en fait dans un peu plus de deux heures !


 30 Juillet ! Dernier jour du festival OFF d'Avignon !  Mais cela fait déjà quelques jours que les rues d'Avignon se vident, que certains théâtres sont fermés, que les affiches disparaissent peu à peu...

Ce matin, en allant voir  le spectacle Orphans à l'Essaïon théâtre, j'entendais les compagnies qui se plaignaient du manque de spectateurs de cette dernière semaine surtout depuis jeudi. Effectivement le public qui doit retourner dans le nord essaie de devancer le fameux week end du mois d'août avec ses bouchons interminables.
Restent le public avignonnais et les courageux venus d'ailleurs, les irréductibles, qui vont jusqu'au bout. J'en fait partie.

Ce soir, à 18H30, je vais voir 1830 Sand Hugo Balzac tout commence de la compagnie Chouchenko au Théâtre Pandora. Espérons que je ne serai pas seule et que le spectacle me plaira pour finir en beauté. Vous le saurez dans les deux jours qui suivent ! J'ai encore quelques billets théâtre en retard avant de partir en Lozère. A bientôt !

Défaite des maîtres et des possesseurs de Vincent Message mise en scène Nicolas Kerszenbaum Festival OFF d'Avignon



« Il y a pour résumer trois catégories d'hommes : ceux qui travaillent pour nous ; ceux qui s'efforcent de nous tenir compagnie ; ceux que nous mangeons. Nous les traitons, tous, comme des êtres à notre service. »

"La compagnie "franchement, tu", dirigée par Nicolas Kerszenbaum, adapte "Défaite des maîtres et possesseurs", le trop lucide roman de Vincent Message, lauréat du Prix Orange du Livre 2016 : roman dystopique où l'espèce humaine n'est plus au sommet de la chaîne alimentaire, où nous ne sommes plus les maîtres et possesseurs de la nature, et où les nouveaux venus nous imposent le sort que nous réservions quelque temps plus tôt aux animaux. Roman d'épouvante, donc, mais aussi roman d'amour brechtien, où la puissance des sentiments permet la remise en cause radicale de l'ordre de notre monde. "

Je n'ai pas lu le roman Défaite des maîtres et des possesseurs mais je sais que Aifelle l'a beaucoup aimé aussi j'ai eu envie de voir l'adaptation. 
Dans un décor noir juste éclairé par des néons rouges ou blancs, évolue un couple : lui le monstre, venu d'ailleurs, d'une intelligence et d'une force supérieure à celles des humains, elle l'humaine, son "animal" de compagnie. Et l'amour entre eux. L'on comprend très vite le propos de l'auteur et la dénonciation de notre attitude vis à vis des animaux.  On pense, bien sûr, au roman de Pierre Boulle, La planète des singes qui offre aussi ce changement de point de vue.  Les comédiens disent très bien le texte qui a l'air poétique et descriptif.  Mais je n'adhère pas.  Les personnages sont désincarnés, le texte est froid, l'on ne peut ressentir de sentiments et de ce fait tout paraît être une démonstration et non pas une histoire réelle.  C'est dommage pour les comédiens qui méritent l'intérêt mais je suis restée en dehors.

Collège de la Salle
Durée : 1h30
à 13h15 : du 7 au 28 juillet
  • Interprète(s) : Marik Renner, Nicolas Martel
  • Musique : Guillaume Léglise
  • Lumières : Nicolas Galland